18 – La jupe

Je m’étais installée dans le siège en cuir noir et je scrutais la photo avec insistance, attendant qu’elle réponde à mes questions. Soudain, des bruits de pas se firent entendre dans le couloir, me ramenant à la réalité. Je reconnus aisément la démarche de Grégoire, ce qui me fit paniquer. Je n’avais pas terminé de ranger son bureau et je n’arrivais pas à mettre la main sur les lingettes spécial écrans. Deuxième drame de la journée.

• Tu n’as pas encore fini ? Mais je te paye pour quoi au juste ?

J’avais envie de lui rappeler que je n’étais pas payée pour rester entre midi et quatorze heures mais la peur m’ankylosa.

• Oui, excusez-moi, c’est plus long que je ne le pensais.
• La prochaine fois, tu ferais bien de te mettre en jupe. Ca pourra excuser toutes les erreurs que tu commets.

Des frissons sillonnèrent mon corps lorsque je saisis ces quelques mots. Alors c’était dont ça ? Après le harcèlement moral venait le harcèlement sexuel ? Mais jusqu’où étais-je capable d’accepter être cette femme que l’on manipule volontiers ?

Je baissai les yeux, scrutant le sol poussiéreux. J’aurais certainement dû lui dire « non, stop, je vais porter plainte » mais aucun son ne réussit à se déloger d’entre mes lèvres. J’aurais dû me défendre, m’en aller, fuir, mais la seule pensée qui me vint à l’esprit concernait la jupe que je pourrais porter.

Julie passa à quelques mètres de ce lamentable décor et ne m’accorda ni regards ni paroles. « Voilà, tu as gagné Louise, à vouloir être ce que tu n’es pas, tu te mets à dos tout le monde » pensais-je. Julie voulait simplement m’aider, me conseiller et me défendre. Toute l’attention qu’elle me portait s’était envolée, en quelques fractions de secondes, lorsque j’eus réagit sous l’emprise d’une profonde irritation, contrôlée par la crainte et la colère.

Je me sentais déjà nue, face à ce tyran, vidée de tous sentiments et de tout espoir.

1 – L’oisillion peureux., 2 – La grande vague., 3 – La salle de repos., 4 – La cravate, 5 – La commère, 6 – Le printemps, 7 – Le pressing, 8 – Le poisson rouge, 9 – La bouche d’egoût , 10 – Le précipice, 11 – La chrysalide, 12 – Le souffle d’air chaud, 13 – Le visage carré, 14 – L’agenda, 15 – Lucie, 16 – L’asthénie, 17 – Le bureau en noyer